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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/361

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d’être le sujet de Justinien ? Bélisaire est son sujet ; et moi, dont la naissance n’est pas inférieure à la vôtre, je ne rougis pas d’obéir à l’empereur romain. Ce monarque généreux vous accordera de riches domaines, une place au sénat et la dignité de patrice : telles sont ses favorables intentions, et vous pouvez compter en toute sûreté sur la parole de Bélisaire. Tant que le ciel nous condamne à souffrir, la patience est une vertu ; mais c’est un aveugle et stupide désespoir que de rejeter la délivrance qui nous est offerte. » « Je ne suis pas insensible, lui répondit le roi des Vandales, à la justesse et à la douceur de vos conseils ; mais je ne puis me résoudre à devenir l’esclave d’un injuste ennemi qui a mérité mon implacable haine. Je ne l’avais jamais offensé par mes paroles ni par mes actions, et cependant il a envoyé contre moi, je ne sais d’où, un certain Bélisaire qui m’a précipité du trône dans cet abîme de misère. Justinien est homme, il est prince ; ne craint-il pas un pareil revers de fortune ? Je ne puis en dire davantage, le chagrin me suffoque. Envoyez-moi, je vous supplie, envoyez-moi, mon cher Pharas, une lyre[1], une éponge et un pain. » Pharas apprit du messager de Gelimer le motif de ces trois singulières demandes : depuis long-temps le roi d’Afrique n’avait pas goûté de pain ; ses yeux étaient incommodés d’une fluxion,

  1. Procope dit une lyre ; une harpe aurait été un instrument plus national. Venantius Fortunatus s’exprime ainsi en parlant des instrumens de musique :

    Romanusque lyrâ tibi plaudat, Barbarus harpa.