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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/94

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la défense d’un peuple ingrat ; les Bretons regrettèrent des récompenses dont la libéralité n’avait pu satisfaire l’avarice de ces orgueilleux mercenaires. La crainte et la haine allumèrent entre eux une querelle irréconciliable. Les Saxons coururent aux armes ; et s’il est vrai qu’ils aient profité de la sécurité d’une fête pour exécuter un massacre, cette perfidie détruisit sans doute irrévocablement la confiance réciproque sans laquelle ne peut subsister aucun rapport entre les nations en paix non plus qu’en guerre[1].

Établissement de l’heptarchie saxonne. A. D. 455-582.

Hengist, dont l’audace aspirait à la conquête de la Bretagne, exhorta ses compatriotes à saisir cette brillante occasion. Il leur peignit vivement la fertilité du sol, la richesse des villes, la timidité des habitans, et la situation avantageuse d’une île vaste et solitaire, accessible de tous côtés aux flottes des Saxons. Les colonies, qui, dans l’espace d’un siècle, sortirent successivement de l’embouchure de l’Elbe, du Weser et du Rhin, pour s’établir dans la Bretagne, étaient principalement composées des trois plus vaillantes tribus de la Germanie, les Jutes, les Angles et les anciens Saxons. Les Jutes, qui suivaient

  1. Nennius accuse les Saxons d’avoir massacré trois cents chefs des Bretons. Ce crime ne paraît pas fort éloigné de leurs mœurs sauvages ; mais nous ne sommes pas obligés de croire qu’ils aient eu pour tombeau Stonehenge, que les géans avaient anciennement transporté d’Afrique en Irlande, et qui fut rapporté en Bretagne par l’ordre de saint Ambroise et l’art de Merlin. Voyez Geoffroy de Monmouth, l. VIII, c. 9, 12.