Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 9.djvu/194

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faiblesse, et au lit de la mort il demanda la tête du prince persan. Il montra un plaisir barbare en reconnaissant les traits de son frère : « Tu n’es plus Théophobe, » dit-il ; et retombant sur sa couche, il ajouta d’une voix défaillante ; « et moi bientôt, trop tôt, hélas ! je ne serai plus Théophile ! »

Les Russes, qui ont pris chez les Grecs le plus grand nombre de leurs lois civiles et ecclésiastiques, ont observé jusqu’au dernier siècle, au mariage du czar, un singulier usage : ils rassemblaient les jeunes filles, non pas de tous les rangs et de toutes les provinces, ce qui eût été ridicule et impossible, mais toutes celles de la principale noblesse, et elles attendaient au palais le choix de leur souverain. On assure qu’on suivit cet usage lors des noces de Théophile. Il se promena, tenant une pomme d’or à la main, au milieu de toutes ces beautés rangées sur deux files : les charmes d’Icasia arrêtèrent ses yeux, et ce prince maladroit, pour commencer l’entretien, ne trouva autre chose à lui dire, sinon que les femmes avaient fait beaucoup de mal : « Oui, sire, répondit-elle avec vivacité, mais aussi elles ont été l’occasion de beaucoup de bien. » Cette affectation d’esprit déplacée mécontenta l’empereur ; il tourna le dos. Icasia alla cacher son humiliation dans un couvent, et Théodora, qui avait gardé un modeste silence, reçut la pomme d’or. Elle mérita l’amour de son maître, mais ne put se soustraire à sa sévérité. Il vit du jardin du palais un vaisseau très-chargé qui entrait dans le port : ayant découvert qu’il était