Page:Gide - Charles-Louis Philippe.djvu/36

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visoirement, par une sorte de méthode et de précaution, ou bien parce qu’il sentait qu’il n’avait aucun profit intellectuel ou moral à en tirer.

C’est dans les avant-derniers temps de sa vie qu’il écouta Claudel, dont la voix forte et bien assurée impressionna profondément Philippe comme elle devait faire de plusieurs d’entre nous.

Il peut sembler paradoxal que cette dernière influence, toute catholique, celle de Claudel, allât dans le même sens que celle de Nietzsche. Mais, de même que dans la lecture de Nietzsche, il trouvait dans celle de Claudel une exultante et fortifiante vertu. Il avait repoussé tour à tour depuis longtemps des écrivains qui d’abord avaient flatté sa tendresse, son goût pour les larmes. Non pas qu’il se fût à proprement parler endurci comme il le prétendait lui-même ; mais bien fortifié. Non pas qu’il ne connut plus la pitié ; oui, mais bien cette pitié profonde qui n’a plus rien à faire, ou que de très loin, avec l’apitoiement du début. Non pas qu’il ne connût plus la tristesse, mais bien cette tristesse virile et sévère qui n’empêchait point un énorme effort et un effort victorieux vers la joie. C’est la joie, c’est l’exaltation