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ISABELLE

sent contre moi ; cependant je restais assis devant elle, bien résolu à ne la quitter point qu’elle ne se fût expliquée davantage. Ses sanglots enfin s’apaisèrent ; je lui persuadai doucement qu’elle avait déjà trop parlé pour pouvoir impunément se taire, mais qu’une confession sincère ne saurait la diminuer à mes yeux et qu’aucun aveu ne me serait plus pénible que son silence. Les coudes sur les genoux, ses mains croisées cachant son front, voici ce qu’elle me raconta.

La nuit qui précéda celle qu’elle avait fixée pour sa fuite, dans l’amoureuse exaltation de la veillée, elle avait écrit cette lettre ; le lendemain, elle l’avait portée au pavillon, glissée en cet endroit secret que Blaise de Gonfreville connaissait et où elle savait que bientôt il viendrait la prendre. Mais sitôt de retour au château, lorsqu’elle s’était retrouvée dans cette chambre qu’elle voulait quitter pour jamais, une angoisse indicible l’avait saisie, la peur de cette liberté inconnue qu’elle