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ISABELLE

les plis du visage, brillait clair, embusqué derrière la pommette et semblait dire : Attention ! je suis seul, mais rien ne m’échappe.

Madame de Saint-Auréol disparaissait toute dans un flot de fausses dentelles. Tapies au fond des manches frissonnantes, tremblaient ses longues mains, chargées d’énormes bagues. Une sorte de capote en taffetas noir doublé de lambeaux de dentelles blanches enveloppait tout le visage ; sous le menton se nouaient deux brides de taffetas, blanchies par la poudre que le visage effroyablement fardé laissait choir. Quand je fus entré, elle se campa devant moi de profil, rejeta la tête en arrière, et, d’une voix de tête assez forte et non infléchie :

— Il y eut un temps, ma sœur, où l’on témoignait au nom de Saint-Auréol plus d’égards…

À qui en avait-elle ? Sans doute tenait-elle à me faire sentir, et à faire sentir à sa sœur, que je n’étais pas ici chez les Floche ; car elle continua, inclinant la tête de côté, minaudière, et levant vers moi sa main droite :