Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/139

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sa beaucoup trop grande jeunesse. Le temps pressait déjà ; nous étions à cette époque de l’année où les premières récoltes laissent libres les champs pour les premiers labours. Par une convention établie, les travaux du fermier sortant et ceux du nouveau se côtoient, le premier abandonnant son bien pièce après pièce et sitôt les moissons rentrées. Je redoutais, comme une sorte de vengeance, l’animosité des deux fermiers congédiés ; il leur plut au contraire de feindre à mon égard une parfaite complaisance (je ne sus que plus tard l’avantage qu’ils y trouvaient). J’en profitai pour courir le matin et le soir sur leurs terres qui devaient donc me revenir bientôt. L’automne commençait ; il fallut embaucher plus d’hommes pour hâter les labours, les semailles ; nous avions acheté herses, rouleaux, charrues ; je me promenais à cheval, surveillant, dirigeant les travaux, prenant plaisir à commander.

Cependant, dans les prés voisins, les fer-