Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/202

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pour le revoir, ou du moins pour l’attendre que je m’attardais ainsi dans la coupe. On acheva bientôt de la vider. Les garçons Heurtevent n’y vinrent que trois fois. Ils semblaient fiers, et je ne pus obtenir d’eux une parole.

Bute, par contre, aimait à raconter ; je fis en sorte que bientôt il comprît ce qu’avec moi l’on pouvait dire ; dès lors il ne se gêna guère et déshabilla le pays. Avidement je me penchai sur mon mystère. Tout à la fois il dépassait mon espérance, et ne me satisfaisait pas. Était-ce là ce qui grondait sous l’apparence ? ou peut-être n’était-ce encore qu’une nouvelle hypocrisie ? N’importe ! Et j’interrogeais Bute, comme j’avais fait les informes chroniques des Goths. De ses récits sortait une trouble vapeur d’abîme qui déjà me montait à la tête et qu’inquiètement je humais. Par lui, j’appris d’abord que Heurtevent couchait avec sa fille. Je craignais, si je manifestais le moindre blâme, d’arrêter toute confidence ; je souris donc ; la curiosité me poussait.