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L'IMMORALISTE

fûmes surpris, en sortant, de voir un ciel uniformément gris. Le vent soufflait toujours, mais moins impétueusement que la veille. La diligence ne devait repasser que le soir… Ce fut, vous dis-je, un jour lugubre. L’amphithéâtre, en quelques instants parcouru, me déçut ; même il me parut laid, sous ce ciel terne. Peut-être ma fatigue aidait-elle, augmentait-elle mon ennui. Vers le milieu du jour, par désœuvrement, j’y revins, cherchant en vain quelques inscriptions sur les pierres. Marceline, à l’abri du vent, lisait un livre anglais qu’elle avait par bonheur emporté. Je revins m’asseoir auprès d’elle.

— Quel triste jour ! Tu ne t’ennuies pas trop ? lui dis-je.

— Non : tu vois : je lis.

— Que sommes-nous venus faire ici ? Tu n’as pas froid, au moins.

— Pas trop. Et toi ? C’est vrai ! tu es tout pâle.

— Non…

La nuit, le vent reprit sa force… Enfin la diligence arrive. Nous repartîmes.