Page:Gide - L’Immoraliste.djvu/49

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À présent il veut partir. Marceline lui donne un gâteau, moi deux sous.

Le lendemain, pour la première fois, je m’ennuie ; j’attends ; j’attends quoi ? je me sens désœuvré, inquiet. Enfin je n’y tiens plus :

— Bachir ne vient donc pas, ce matin, Marceline?

— Si tu veux, je vais le chercher.

Elle me laisse, descend ; au bout d’un instant rentre seule. Qu’a fait de moi la maladie ? Je suis triste à pleurer de la voir revenir sans Bachir.

— Il était trop tard, me dit-elle ; les enfants ont quitté l’école et se sont dispersés partout. Il y en a de charmants, sais-tu. Je crois que maintenant tous me connaissent.

— Ah moins, tâche qu’il soit là demain.

Le lendemain Bachir revint. Il s’assit comme l'avant-veille, sortit son couteau, voulut tailler un bois trop dur, et fit si bien qu’il s’enfonça la lame dans le pouce. J’eus un frisson d’horreur ; il en rit, montra la coupure brillante