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la porte étroite

agenouillée ; je ne savais rien exprimer du transport nouveau de mon cœur ; mais je pressais sa tête contre mon cœur et sur son front mes lèvres par où mon âme s’écoulait. Ivre d’amour, de pitié, d’un indistinct mélange d’enthousiasme, d’abnégation, de vertu, j’en appelais à Dieu de toutes mes forces et m’offrais, ne concevant plus d’autre but à ma vie que d’abriter cette enfant contre la peur, contre le mal, contre la vie. Je m’agenouille enfin plein de prière ; je la réfugie contre moi ; confusément je l’entends dire :

— Jérôme ! ils ne t’ont pas vu, n’est-ce pas ? Oh ! va-t-en vite ! Il ne faut pas qu’ils te voient…

Puis, plus bas encore :

— Jérôme, ne raconte à personne… mon pauvre papa ne sait rien…


Je ne racontai donc rien à ma mère ; mais les interminables chuchoteries que ma tante Plantier tenait avec elle, l’air mystérieux,