Page:Gide - La Porte étroite, 1909.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
la porte étroite

guisement du sentiment, qu’un revêtement de l’amour.


Ma mère avait pu s’inquiéter d’abord d’un sentiment dont elle ne mesurait pas encore la profondeur ; mais, à présent qu’elle sentait ses forces décliner, elle aimait à nous réunir dans un même embrassement maternel. La maladie de cœur dont elle souffrait depuis longtemps lui causait de plus en plus fréquents malaises. Au cours d’une crise particulièrement forte, elle me fit approcher d’elle :

— Mon pauvre petit, tu vois que je vieillis beaucoup, me dit-elle ; un jour je te laisserai brusquement.

Elle se tut, très oppressée. Irrésistiblement, alors, je m’écriai, ce qu’il semblait qu’elle attendît que je lui dise :

— Maman…, tu sais que je veux épouser Alissa. Et ma phrase faisait suite sans doute à ses plus intimes pensées, car elle reprit aussitôt :