Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/123

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aurait encore pu se passer ! Âmes jamais suffisamment dénuées, pour être enfin suffisamment emplies d’amour — d’amour, d’attente et d’espérance, qui sont nos seules vraies possessions. — Ah ! tous ces lieux où l’on aurait tout aussi bien pu vivre ! Lieux où foisonnerait le bonheur. Fermes laborieuses ; travaux inestimables des champs ; fatigue ; immense sérénité du sommeil….. Mais partons ! Il suffit d’un malheureux pour tout gâter. L’effort de l’homme est méprisable. Je n’en estime jamais qu’un entre tous et c’est toujours n’importe qui.

II

Le Voyage en diligence

J’ai quitté mes vêtements de la ville, qui m’obligeaient à garder trop de dignité.

*

Il était là, contre moi ; je sentais aux battements de son cœur que c’était une créature vivante, et la chaleur de son petit corps me brûlait. Il dormait contre mon épaule ; je l’entendais respirer