Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/150

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Et vous souvenez-vous, mon ami, qu’une nuit, durant notre affreux voyage, nous nous sommes relevés, transpirants, — pour boire, à la cruche de terre, l’eau qu’elle avait faite glacée ?

Citernes, puits cachés où descendent des femmes. Eaux qui n’ont jamais vu la lumière ; goût d’ombre. — Eaux très aérées. — Eaux anormalement transparentes, et que je souhaitais azurées, — ou mieux vertes, pour qu’elles me parussent plus gelées — et légèrement anisées.

Les plus grandes joies de mes sens
Ç’ont été des soifs étanchées.


Non ! tout ce que le ciel a d’étoiles, tout ce qu’il y a de perles dans la mer, de plumes blanches au bord des golfes, je ne les ai pas encore toutes comptées. Ni tous les murmures des feuilles ; ni tous les sourires de l’aurore ; ni tous les rires de l’été. — Et maintenant encore que dirai-je ? — Parce que ma bouche se tait, pensez-vous que mon cœur se taise ?

Ô champs baignés d’azur !
Ô ! champs trempés de miel !
Les abeilles viendront, lourdes de cire…