Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/167

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… Mais dans cette ballade je parlais surtout des hommes et des femmes et si je ne te la dis pas maintenant c’est que, dans ce livre, je ne veux pas faire de personnalités. Car, as-tu remarqué que dans ce livre il n’y avait personne ; — Et même moi, je n’y suis rien que Vision. — Nathanaël, je suis le gardien de la tour, Lyncéus. — Assez longtemps avait duré la nuit. Du haut de la tour je criais tant vers vous, aurores ! jamais trop radieuses aurores !

J’ai gardé jusqu’à la fin de la nuit l’espoir d’une nouveauté de lumière ; — maintenant je n’y vois pas encore, mais j’espère ; je sais de quel côté l’aube poindra.

Certes, tout un peuple s’apprête ; du haut de la tour j’entends une rumeur dans les rues. Le jour naîtra ! le peuple en fête déjà marche au devant du soleil.

Que dis-tu de la nuit ? Que dis-tu de la nuit, sentinelle ? — Je vois une génération qui monte, et je vois une génération qui descend. Je vois une énorme génération qui monte, qui monte tout armée, tout armée de joie vers la vie.

Du haut de ta tour que vois-tu ? — Que vois-tu, Lyncéus, mon frère ? — Hélas ! Hélas ! laisse