Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/176

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au bord du bassin ; oliviers géants, spirées blanches, bosquets de lilas, touffes d’épines, buissons de roses ; y venir seul et s’y souvenir de l’hiver, et s’y sentir si las que le printemps, hélas ! même ne vous étonne ; et même désirer plus de sévérité, car tant de grâce, hélas ! invite et rit au solitaire, et ne se peuple que de désirs, cortège obséquieux dans les vides allées. Et malgré les bruits d’eau dans ce bassin trop calme, autour, le silence attentif indique par trop les absences.


Je sais la source où j’irai rafraîchir mes paupières,
Le bois sacré ; je connais le chemin,
Les feuilles, la fraîcheur de cette clairière ;
J’irai, le soir quand tout saura s’y taire
Et que déjà la caresse de l’air
Nous invitera plus au sommeil qu’à l’amour.

Source froide où toute la nuit va descendre !
Eau de glace où le matin transparaîtra
Grelottant de blancheur. Source de pureté !
N’est-ce pas que je vais retrouver dans l’aurore,
Lorsqu’elle paraîtra,
La saveur qu’elle avait quand j’y voyais encore
Avec étonnement, les clartés et les choses ?…