Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/19

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Tu ne sauras jamais les efforts qu’il nous a fallu faire pour nous intéresser à la vie ; mais maintenant qu’elle nous intéresse, ce sera comme toute chose — passionnément.

— Je châtiais allègrement ma chair, éprouvant plus de volupté dans le châtiment que dans la faute — tant je me grisais d’orgueil à ne pas pécher simplement.

— Supprimer en soi l’idée de mérite ; il y a là un grand achoppement pour l’esprit.

… L’incertitude de nos voies nous tourmenta toutes nos vies. Que te dirais-je ? Tout choix est effrayant, quand on y songe ; effrayante une liberté que ne guide plus un devoir. — C’est une route à élire dans un pays de toutes parts inconnu, où chacun fait sa découverte et, remarque-le bien, ne la fait que pour soi… de sorte que la plus incertaine trace dans la plus ignorée Afrique est moins douteuse encore… Des bocages ombreux nous attirent ; des mirages de sources pas encore taries… mais plutôt les sources seront où les feront couler nos désirs ; car le pays n’existe qu’à mesure que le forme notre approche et le paysage à l’entour