Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/194

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des espèces de pyramides guident de loin en loin les caravanes ; monté sur le sommet de l’une, au bout de l’horizon on aperçoit le sommet d’une autre.

Quand le vent souffle, la caravane s’arrête ; les chameliers se mettent à l’abri près des chameaux.

Désert de sable — vie excluse ; il n’y a plus là que la palpitation du vent, de la chaleur. Le sable se veloute délicatement dans l’ombre ; s’embrase au soir et paraît de cendre au matin. Il y a des vallées toutes blanches entre les dunes ; nous y passions à cheval ; le sable se refermait après nos pas ; de fatigue, à chaque dune nouvelle, on pensait qu’on ne pourrait pas la franchir.

Je t’aurai passionnément aimé, désert de sable. Ah ! que ta plus petite poussière redise en son seul lieu une totalité de l’univers ! — de quelle vie te souviens-tu, poussière ? désagrégée de quel amour ? — La poussière veut qu’on la loue.

*


Mon âme, qu’avez-vous vu sur le sable ?
Des os blanchis — des coquilles vidées…