Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/200

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On a dit au loin que je faisais pénitence — mais qu’ai-je à faire avec le repentir ?
Sadi.

Certes oui ! ténébreuse fut ma jeunesse :

Je m’en repens.

Je ne goûtais pas le sel de la terre

Ni celui de la grande mer salée.

Je croyais que j’étais le sel de la terre

Et j’avais peur de perdre ma saveur.

— Le sel de la mer ne perd point sa saveur ; mais mes lèvres sont déjà vieilles pour la sentir. Ah ! que n’ai-je respiré l’air marin quand mon âme en était avide ? Quel vin va suffire à présent à me griser ?

Nathanaël, ah ! satisfais ta joie quand ton âme en est souriante — et ton désir d’amour quand tes lèvres sont encore belles à baiser, et quand ton étreinte est joyeuse.

Car tu penseras, tu diras : Les fruits étaient là ; leur poids courbait, lassait déjà les branches ; — ma bouche était là et elle était pleine de désirs ; — mais ma bouche est restée fermée, et mes mains n’ont pu se tendre parce qu’elles étaient prises