Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/51

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ment… Mais dans ce temps, l’esprit de Dieu s’éveillait à peine, après avoir dormi hors du temps, sur les eaux. — Si j’eusse été là, Nathanaël, je lui eusse demandé de faire tout un peu plus vaste — et ne me réponds pas, toi, qu’alors rien ne s’en serait aperçu[1].

… Il y a la preuve par les causes finales

Mais tous ne trouvent pas que la fin justifie les moyens.

Il y en a qui prouvent Dieu par l’amour que l’on sent pour lui. — Voilà pourquoi, Nathanaël, pour moi j’ai nommé Dieu tout ce que j’aime, et que j’ai voulu tout aimer. — Ne crains pas que je t’énumère…… d’ailleurs je ne commencerais pas par loi ; j’ai préféré bien des choses aux hommes et ce ne sont pas eux que j’ai surtout aimés sur la terre… Car ne t’y méprends pas, Nathanaël, ce que j’ai de plus fort en moi, ce n’est certes pas la bonté, — ni je crois non plus de meilleur — et ce n’est pas non plus la bonté que j’estime surtout chez les hommes. Nathanaël, préfère-leur ton Dieu… Moi aussi j’ai su louer Dieu, j’ai chanté pour Lui des cantiques, — et je crois même ce faisant l’avoir parfois un peu surfait.


« Cela t’amuse-t-il tant, me dit-il, d’édifier ainsi des systèmes ? »

— « Rien ne m’amuse plus, répondis-je, et je m’y contente l’esprit.

  1. « Je peux parfaitement concevoir un autre monde, dit Alcide, où deux et deux ne feraient point quatre. »
    « Parbleu, je vous en défie bien », dit Ménalque.