Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/95

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qui sent que le Président ne lui fait point crédit, se trouble. Elle ne peut guère placer que des monosyllabes, répondre que par oui ou par non. Elle veut dire (c’est du moins ce qu’il me semble) que Cordier n’a pas participé à l’agression, et n’a fait que recevoir l’argent que les autres lui passaient. Si vous croyez que c’est facile !… Evidemment tout cela a été déjà élucidé à l’instruction : cet interrogatoire, pour le juge qui a étudié l’affaire, ne peut et ne doit apporter rien de nouveau ; mais pour le juré, tout est neuf : il cherche à se faire une opinion ; il s’inquiète et doute si peut-être l’affaire n’a pas été bouclée trop vite, et l’opinion que s’en est faite le Président.

Le Président. — Est-ce Cordier qui lui mettait la main sur la bouche ?

La fille Gabrielle. — Non, mon Président.

Le Président. — Alors c’est lui qui a porté les coups.

La fille Gabrielle. — Non, mon Président.

Le Président. — Enfin, l’un frappait, l’autre bâillonnait, le troisième fouillait. Braz dit que c’est Cordier qui l’a frappé ; vous dites que c’est Cordier qui l’a fouillé. Il y a eu sans doute quelque confusion dans la lutte et par conséquent dans les témoignages aussi. Il ressort de tout cela que la responsabilité des trois accusés a été engagée au même degré, et c’est ce qui paraît évident. Fille Gabrielle, vous pouvez vous rasseoir.

La fille Gabrielle est la dernière interrogée ; on va passer aux plaidoiries. Alors le Président, selon l’usage, se tournant vers “ celui qui a la main en écharpe ” :