Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/20

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L’âme se peut distraire, à défaut de lecture,
Dans le livre infini de la grande nature ;
Mais il est, dans la brume ainsi que dans la nuit,
Des moments où le livre est maître de l’ennui.
Bien long devint le jour et bien longue la veille.

J’avais pris au hasard, dans l’œuvre de Corneille,
Un volume ancien que j’avais emporté
Dans mes derniers colis, en quittant la cité.

  Quels héros fait parler le prince de la lyre,
Sous ce couvert ? pensais-je, en m’installant pour lire…
Le Cid et Polyeucte !… En esprit je relis
Ces chefs-d’œuvre vainqueurs de l’envieux oubli,
Et leurs alexandrins chantent dans ma mémoire,
Lorsque j’entends parler de noblesse et de gloire !

Le toit d’un laboureur abritait mon ennui.
— Ce brave homme, me dis-je, a peut-être chez lui
Quelques prix par ses fils remportés à l’école,
Légende de tournure enfantine et frivole,
Qui charment par leur grâce et leur naïveté.

Le matin, sac au dos, mon hôte était monté
Sur une terre neuve, au flanc de la montagne.
Près des enfants filait sa robuste compagne :

— Auriez-vous, demandai-je, un livre à me prêter ?
Non pas que le dédain me fasse rejeter
Celui-ci, des plus beaux écrits sur cette terre,
Mais je le sais par cœur et n’en ai donc que, faire.

  Les contes imprimés sont rares dans l’endroit,
Monsieur le voyageur, et cela se conçoit !