Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/22

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  De notre vieux fournil on dût changer l’usage,
Pour qu’il servît d’école à tout le voisinage.
Dès que furent passés les travaux des moissons,
Les enfants appliqués suivirent les leçons.

Quand il s’ennuyait trop de son canot d’écorce,
Il se faisait un jeu, si grande était sa force,
De vaincre tout venant à lever des fardeaux,
Ou bien avec mon homme il domptait les chevaux.
D’autres fois, il partait au loin sur ses raquettes…

Il semblait tourmenté par des peines secrètes.
Souvent il traduisait pour nous, les soirs d’hiver,
Un conte italien qui parle de l’enfer…
Un beau conte, qui parle aussi du purgatoire,
Et des anges du ciel au milieu de leur gloire.
Il en avait encore un autre, plus ancien,
Disait-il, qui s’appelle… ah ! je ne sais plus bien !
On parle là-dedans d’un roi, malheureux père,
Et d’un prince son fils tué pendant la guerre ;
Un cruel ennemi veut le jeter aux chiens,
Mais pour son enfant mort le père offre ses biens :
Il court chez le vainqueur qui dîne sous la tente,
Et le prie à genoux d’une voix suppliante…
De ce pauvre vieux roi mon cœur s’est souvenu,
L’ayant bien remarqué, parce que l’inconnu,
Un soir de poudrerie, en lisant ce passage,
Trois fois dut s’arrêter au milieu de la page,
Et ne put la traduire entière sans pleurer.

D’autres soirs, dans sa chambre il allait se cloîtrer,
Et longtemps il lisait, il écrivait peut-être ;