Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/36

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Après les temps troublés, quand vient la paix amie,
Les choses, comme nous, ont leur rêve éternel,
Pensais-je en écoutant s’envoler vers le ciel
Le rêve harmonieux de la cloche endormie.

Mais non ! sur son appui rustique elle oscillait.
Un invisible bras réglait donc cette plainte ;
Une douleur humaine inspirait la voix sainte :
Ce n’est pas en rêvant que le bronze parlait.

Lors j’ai crié : ― Quel Montagnais dans l’ombre pleure
Le regret d’autrefois au clocher des aïeux ?
J’irai te voir sonner, sonneur mystérieux,
Et je saurai pourquoi tu sonnes à cette heure !

J’hésitai sur le seuil du monument sacré
Par les rayons du ciel et par ceux de l’histoire ;
Mais la porte, en grinçant, démasqua la nef noire.
Démasqua la nef noire en grinçant !… et j’entrai.

Vainement par trois fois j’appelai. Rien ! Personne !
Le silence gardait les secrets du passé.
Épris de l’invisible, inquiet, j’avançai
Dans la terreur muette où l’inconnu frissonne.

Devant l’autel par la veilleuse abandonné,
Veille dans son cercueil l’humble missionnaire ;
Son ombre plaît au Christ autant qu’une lumière !
Sur ce grand souvenir je me suis incliné.

Était-ce lui, l’apôtre intrépide au cœur tendre,
Qui, réveillant la cloche au fond des vieux oublis,
Venait renouveler pour les ensevelis
« Le plaisir nompareil qu’ils prenoient à l’entendre » ?