Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/81

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Mais les eaux du déluge enfin se retirèrent.
Les fleuves peu à peu reprirent leur niveau ;
Aux âges envolés les âges succédèrent,
Et les graves humains parurent de nouveau.
Longtemps il les a vus, dans l’écorce légère
Sillonner an loin l’onde en plongeant l’aviron :
Puis vinrent les héros dont notre race est fière :
Le chevalier sans peur et le missionnaire,
En passant dans son ombre ont découvert leur front ;
Puis survint le radeau du rude bûcheron
Devant qui s’inclinait la forêt séculaire :
Et naguères enfin parurent les voiliers
Qui flottaient sur la vague, emportés par les brises
Comme des oiseaux noirs aux grandes ailes grises.

Et tout est disparu ! navires, chevaliers,
Et bûcherons joyeux, et martyrs, et sauvages,
Mammouths géants, poissons ailés, hommes pervers
Dont les iniquités perdirent l’univers.
Ont passé tour à tour, emportés par les âges,
Comme passent les flots l’heure du reflux !
Et le terrain de pierre a vu toutes ces choses,
Et bien d’autres encor qui ne reviendront plus ;
Et rien n’a transformé ses lignes grandioses :
Depuis les premiers jours, fixe dans son granit,
L’immuable géant dressé sur l’Infini,
Sous le même soleil est demeuré le même !
À peine si, de siècle en siècle, la forêt
Qui remplace à son front celle qui disparaît,
Donne au vieil empereur un nouveau diadème.
Lorsque d’un roi puissant la Mort sonne l’appel,