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PINDARE

généralement pour les mythes doriens et éoliens. Sa muse est vraiment dorienne, et c’est pour lui une forme du patriotisme.

Doit-on conclure de cette liberté qu’il est indifférent au sujet de ces mythes, c’est-à-dire au sujet de l’histoire religieuse, qui est bien près chez les Grecs d’être la religion même ? Et, en effet, s’il croit une chose à Thèbes et en croit une autre à Corinthe, une foi aussi variable ressemble beaucoup à celle d’un libre penseur. Si, parmi les légendes religieuses, il prend et rejette selon sa convenance, c’est sans doute qu’à ses yeux aucune ne s’impose du droit de la vérité, aucune n’est vraie. Rien de plus rigoureux que ce raisonnement ; rien de moins approprié à la matière. L’abus de la logique, mauvais dans toutes les questions de foi, est particulièrement déplacé quand il s’agit de la foi d’un Grec, surtout à l’âge auquel appartient Pindare. La religion alors embrasse une immense mythologie, qui s’est formée des légendes particulières de toutes les cités et toutes les grandes familles, et qu’a enrichie encore pendant des siècles, depuis Homère et Hésiode, l’imagination des poètes, tour à tour interprètes et auteurs de la tradition populaire. Il est clair qu’il ne peut y avoir sur chaque point une croyance fixe et universelle, un dogme. Mais il n’y a pas non plus incrédulité ; rien ne nous autorise à dire qu’il y ait eu alors sur