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PINDARE

changements de ton et d’allure ; enfin ce qu’on a appelé le désordre pindarique. Les beaux détails abondent ; l’ensemble trouble plus qu’il ne satisfait, parce qu’il n’y a pas égalité ni continuité d’impression, parce qu’après un mouvement, un trait sublime, vient tout à coup une sentence de morale vulgaire, une réflexion du poète, parce que souvent le lecteur ne comprend pas. Un maître dont j’aime à me rappeler les leçons, M. Havet, faisait à ce sujet une remarque ingénieuse, c’est qu’on admirerait plus Pindare si l’on n’avait de lui que des fragments. Ces brillantes expressions, ces grands élans de poésie, isolés de ce qui les entoure, nous feraient supposer toute autre chose et nous raviraient. Le point sur lequel s’est le plus arrêtée la critique, surtout au xviie et au xviiie siècle, c’est ce qu’on appelait les digressions, c’est-à-dire les récits mythologiques, substitués, pensait-on, aux louanges d’un athlète obscur, matière infertile et petite, et venant remplir le vide du sujet. On pourrait remarquer que tous les héros des odes de Pindare ne sont pas obscurs et que, si l’histoire n’a pas eu à s’occuper d’Asopichos d’Orchomène, ni d’Ergotèle d’Himère, il n’en est pas de même d’Hiéron, le puissant prince de Syracuse, dont les victoires et le règne prêtaient suffisamment au panégyrique. Si donc l’éloge d’Hiéron, dans les odes composées en son honneur, ne tient