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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

de purification et d’expiation, qui compensait tant d’horreurs accumulées sur cette famille maudite, et rassurait la conscience des Grecs, habitués à chercher de vagues images de leur destinée dans les terribles fables de leurs origines. Eschyle, rencontrant dans ses trilogies thébaines cette belle légende, n’avait eu garde de la négliger. Il lui avait réservé une place à la fin de la grande construction dramatique dont nous possédons la dernière pièce, les Sept devant Thèbes. Au terme même de cette tragédie, quand le réveil terrible d’Érinnys vient tout à coup de précipiter Étéocle contre Polynice et de faire périr les deux frères par la main l’un de l’autre, il n’avait pas suffi au poète de mettre sous les yeux l’accomplissement de la malédiction paternelle, d’exposer les cadavres sur la scène, et de faire entendre les lamentations funèbres chantées par les deux sœurs et par les jeunes filles de Thèbes. Un héraut venait au nom du conseil de la cité proclamer la distinction établie entre les deux frères : Étéocle, le défenseur de Thèbes, devait être enseveli avec honneur ; Polynice, au contraire, le destructeur de la patrie, serait privé de sépulture et abandonné aux chiens. Aussitôt Antigone se révoltait contre cet ordre, se disait prête à l’enfreindre et, par l’ardeur de sa piété fraternelle, entraînait à sa suite une moitié du chœur dans l’accomplissement des saints devoirs de la famille.