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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

dactylique, et que, dans ses mains, le puissant et riche instrument de l’épopée réduit ses effets à celui d’une césure, qui a pris son nom parce que chez lui elle se reproduit presque constamment, et dont l’abus suffira pour déprécier l’épopée d’Apollonius, tant elle appartient en propre à Théocrite et à son œuvre ! C’est enfin pour cette raison que, dans ses petites compositions, les procédés de développement et ce qui fait en général l’élégance du style rentrent dans un même système de répétition symétrique. Reproductions ou concordances exactes de rythmes, d’harmonies, de tours et d’expressions ; dans les couplets alternés, correspondances ou oppositions d’idées et d’images ; dans les séries de périodes égales, retours réguliers des mêmes refrains : tels sont les moyens de cet art nouveau qu’inaugure le poète de Syracuse. Ils ne sont pas sans quelque rapport avec les formes de notre ballade du xvie siècle ou de la chanson moderne.

Théocrite en est l’inventeur ; c’est-à-dire, comme il arrive dans les inventions de cette sorte, c’est lui qui leur a donné l’existence littéraire. Il en a trouvé le principe dans les mœurs naturellement poétiques des bergers grecs et siciliens ; c’est là qu’il a pris ces grâces naïves et ces procédés, nés sans doute de l’improvisation, qui, entre ses mains habiles, sont devenus les caractères propres d’un genre vraiment constitué, en pleine possession de