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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Telle est, croyons-nous, l’idée générale que nous devons nous faire de la pastorale de Théocrite. Si, avant de la définir avec plus de précision, nous voulons d’abord indiquer quelle région dans le monde de l’art, toujours plus ou moins fictif, occupe cette poésie qui demande à la nature et à la vie des champs de nouvelles sources d’inspiration, le mieux est peut-être de reprendre le mot de Sainte-Beuve : « Théocrite, dit-il, était, par rapport aux choses qu’il représentait, dans une condition de demi-vérité. » Ce mot était déjà dans Fontenelle, qui, dans son Discours sur la nature de l’églogue, soutient que l’imagination se contente souvent d’un demi-vrai. Seulement celui-ci, tout en critiquant avec esprit les affectations de la plupart des pastorales modernes, restreint le demi-vrai à une si faible mesure que, dans l’intérêt de la galanterie, il exclurait volontiers de l’églogue les brebis et les chèvres. Son disciple Lamotte ne fera que suivre la même voie en réduisant les bergers eux-mêmes à n’être plus, suivant son expression, qu’une idée, à laquelle il accordera tout au plus quelque lointaine ressemblance avec la nature. Sainte-Beuve entend la demi-vérité dans un sens très différent. Ce qui fait, à ses yeux, la supériorité de Théocrite, c’est que, pendant qu’il se joue librement avec la légèreté de l’art grec, il s’appuie sur le fond solide de la réalité. Il faut