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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

futur héros des bergers siciliens, s’y présente dans la fleur pudique de sa beauté adolescente, inspirant l’amour et relevant la simplicité des mœurs champêtres par une nuance plus délicate de sensibilité. C’est la première partie qui nous donne un développement intéressant du chant amœbée. Ici les couplets s’entre-croisent, et chacun se compose de deux distiques élégiaques. Ils offrent donc une forme déjà plus ample et un rythme qui a quelque chose de lyrique. C’est que l’idée elle-même a un caractère nouveau. Ce n’est plus, comme dans la ve idylle, un trait capricieusement lancé dans une succession incohérente : c’est, dans chaque strophe, comme une phrase d’un même thème musical : un seul sujet remplit tout le chant, lui donne le ton et la couleur. De plus, ce sujet est idéal ; les amours que chantent les deux enfants, ne conviennent point à leur âge, et d’ailleurs le style ne laisse aucun doute sur la pensée de Théocrite. Sa poésie, pleine de sève et brillante d’une saine limpidité, reste bien loin de la galanterie moderne ; mais c’est une fiction, qu’il place dans un cadre d’une grâce toute vivante.

Chez lui la fiction ira plus loin, et, à mesure qu’elle se développera plus librement, par un mouvement naturel elle élargira et brisera plus qu’à demi les formes étroites et pauvres du bucoliasme à deux parties. Ainsi la vie idylle est une