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L’ALEXANDRINISME

sion naissante de Médée, nous apprenons qu’elle tient d’Hécate une science redoutable, qu’elle connaît les propriétés merveilleuses de toutes les plantes, qu’elle peut empêcher le feu de brûler, arrêter les fleuves et enchaîner les astres ; non seulement elle donne à Jason les moyens de sortir vainqueur des épreuves imposées par Éétès, et ses incantations endorment le dragon qui garde la toison d’or ; mais, quand elle se décide à prendre dans sa cassette, sorte de pharmacie magique, l’onguent qui rendra Jason invulnérable, il faut que le poète nous la montre cueillant la plante qui a servi à faire cet onguent ; et avec quel appareil de circonstances frappantes et de prodiges ! C’est dans les gorges sauvages du Caucase, au milieu de la nuit ; elle est vêtue de noir ; sept fois elle s’est plongée dans une eau courante et sept fois elle a invoqué Brimo (un nom d’Hécate), « Brimo qui erre dans les ténèbres, la déesse infernale qui règne sur les morts ; » et, au moment où, dans le creux d’une coquille de la mer Caspienne, elle recueille le suc précieux, la terre tressaille et mugit, et Prométhée lui-même, étreint par une douleur furieuse, gémit sur son rocher. C’est que cette plante prodigieuse, dont la fleur d’un jaune de safran est supportée par une double tige et dont la racine a l’apparence de la chair fraîchement coupée, c’est le sang même du Titan, tombé du bec de l’aigle qui dévore ses