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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/25

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tourna entre ses gros doigts une bague ornée de trois petits grenats — trois larmes de sang.

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Il se mit à boire à tire-larigot. Les foins étaient finis, et Virginie s’appelait encore mademoiselle Arcand. La pauvrette avait bien pleuré la mort de son rêve, mais il avait fallu s’y résigner. Le fiancé, en effet, n’était pas retourné au Moulin où elle demeurait. Ça n’allait plus. La forge était délaissée pour la bonne raison que, la la plupart du temps, la porte en était fermée, et que le maître courait le guilledou. Il avait une mauvaise réputation, aujourd’hui. Sept jours sur sept, il rentrait au logis en tibulant comme une charrette surchargée dans de mauvais chemins.

***

En compagnie de deux amis, il avait passé cette froide journée de novembre à chasser les outardes. On n’était revenu que sur le soir. Mécontent de s’être attardé, le maréchal ferrant se préparait à quitter ses compagnons de plaisir, quand il céda à leurs instances, et accepta de vider avec eux une couple de verres de rhum. Un troisième verre suivit le deuxième, un quatrième le troisième, et cetera. Vint un moment où il fallut songer au départ. Lucien, à son immense effroi, devait reprendre seul la route du logis. Ses amis demeuraient