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dame, les intérêts qui vous sont chers. Avez-vous écrit à mademoiselle de Châteaudun, ainsi que je vous ai supplié de le faire ? L’avez-vous fait avec fermeté ? Avez-vous dit à votre jeune amie qu’il s’agit de son repos et de sa destinée ? Lui avez-vous montré le nuage près de s’effondrer sur sa tête ? Quand je l’ai quitté, M. de Monbert était bien sombre et bien irrité. Que mademoiselle de Châteaudun prenne garde !

Agréez l’expression de mes respectueux hommages.

Raymond de Villiers.


XXXII


À MADAME
MADAME LA VICOMTESSE DE BRAIMES
HÔTEL DE LA PRÉFECTURE,
À GRENOBLE (ISÈRE).


Paris, 5 août 18…

Voilà toutes vos lettres qui m’arrivent à la fois. J’en ai reçu deux hier, une ce matin. Celle-là est la plus ancienne, elle est datée de Berne. Ah ! si je l’avais eue à son heure, que de chagrins elle m’aurait épargnés ! Comment ! il vous écrivait : Je l’aime ! et il ne me disait rien à moi ! Quand il m’a quittée, vous saviez, vous, combien il était malheureux ! et moi, que son départ rendait si misérable, je le voyais indifférent ! Mais quand je vous ai appris que j’allais me sacrifier, pour consoler madame de Meilhan, vous avez dû croire que j’étais devenue folle !… Je devine par cette lettre désolée que vous m’écrivez de Genève, et que j’ai reçue hier, quel a été votre effroi. Maudit voyage, maudite poste, une lettre perdue pouvait anéantir à jamais mon bonheur ; cette lettre s’est égarée quelques jours… et, pendant ces quelques jours, j’ai dévoré plus de douleurs que je n’en ai ressenti dans les plus amers chagrins de toute ma vie. Aussi ces douleurs inutiles, et que je pouvais si facilement éviter, me rendent-elles incrédule et tremblante devant cet avenir de délices