Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/142

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Depuis quatre jours qu’elle est préparée sur ma table, feuille vide, elle était devenue dorée… Chaque matin, j’écartais seulement les livres, les lettres, les enveloppes déchirées qui s’amassaient d’instinct comme autour de la dalle blanche par où l’on plonge en ma mémoire. Chaque soir, juste en son centre, posés d’une main prudente par crainte des courants d’air, je trouvais mes presse-papier, la tête de Bouddha, ou le masque en bronze d’Andromède, et je les repoussais aussi, sans trop les soulever, et sans les rompre du corps lumineux qu’ils avaient repris à travers buvard et table… Mais le passé est glacial, ce matin… Comme le baigneur, de l’eau jusqu’au genou, hésite, se frotte l’épaule et les reins avec la vague la plus proche, tout ce qui est à la surface de cette aube, tout ce qui passe à ma portée, laissez que j’en frotte mon cœur, — et du petit garçon boucher, et de cette fillette qui tombe au point faible du carrefour, et de l’Américain qui revient vers l’ombre