Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/161

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plus innocent, plus pâle : ce sont les hommes des renforts arrivés ce matin ; les premiers renforts : car nous voilà au point extrême où nous pouvions parvenir sans aide de l’arrière, où porte de l’élan, de l’indignation le flot sans mélange. Depuis ce matin les renforts arrivent, avancent tout violets et carmin, puérils, transparents, dans notre torrent boueux ; jusqu’à midi fanfarons, car leur détachement fut formé pendant la Marne et dans toutes les gares on les a fêtés comme les vainqueurs ; mais leur voilà bientôt un jour de guerre, et ils sont muets, et la glaise, la nuit, les auront façonnés dans deux ou trois heures à notre image.

A mon tour, je m’éveille… Tout encore est ténèbres… Mais je sens, partant de mes yeux entr’ouverts, une ligne de lumière se découdre, gagner Drigeard à ma droite, Ségaux à ma gauche, et immobiles, car chacun croit l’autre endormi, Drigeard et Ségaux ouvrent les yeux…