Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/17

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soudain filait, comme si on rabaissait le soleil. C’était l’été, un été sans instinct, sans réflexe ; il fallait au moins des oiseaux pour remuer les feuilles, des poissons pour rider l’eau, au moins une jeune fille nue pour rider le cœur ; et il n’y eut, dans ces villages et ces forêts, qu’une nymphe de plâtre. Les bicyclistes n’évitaient notre route qu’à la seconde juste où nous étions sur eux ; le chien étendu en travers de la route, la tête vers l’accotement, se contentait de ramener sa queue, puis de fermer les yeux par peur de la poussière. Dans tant de solitude, la voiture devait se frayer un chemin en touchant vraiment chaque être, comme dans une foule. Nourris de coulommiers et de brie, abreuvés de vouvray, les piétons aujourd’hui ne se garaient que contre la mort, chacun avec le geste de défense qu’a son âge, les enfants se protégeant la joue de leur bras, les femmes rougissant, et ils attendaient de l’auto une gifle, une caresse. A ma gauche, l’attaché militaire serbe peu