Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

TO/l ÉCOT.E DES INDIFFEBENTS

Mais des cris m'interrompent. Une fillette curieuse a passé la tête entre les barreaux d'une fenêtre, et elle ne peut plus la retirer. Don Gonzalès se dirige sur elle, gesticulant, terrible; elle essaye silencieusement de se dégager, et pleure. Chacune de ses larmes est si grosse qu'elle noierait une abeille. Renée-Amélie ne veut point ouvrir les yeux : je me tais.

Je la contemple, défiant. C'est donc cette jeune fille inerte et obstinée que je dois ani- mer de ma vie! C'est donc cette heure que j'ai attendue tant d'années! Voilà que je reconnais à peine mon unique espérance, de même que le Touareg ne reconnaît pas, dé- pouillé de son voile, le frère mort qu'on lui rapporte. Pourquoi tous les détails de ma vie uniforme se haussent-ils maintenant autour de moi, et m'appellent-ils loin de ce que je croyais le bonheur.!^ Voilà mon feu, dans ma cheminée, — voilà la flânerie du coucher alors qu'un vent doucereux frotte à rebrousse-poil les cimes de mes arbres et qu'il en jaillit des éclairs — voici mon tiroir plein de ses cra- vates, voici la rencontre journalière avec ce

�� �