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LE FAIBLE BERNARD 177

soi-même. Il repassait sans pitié ses mensonges, ses improvisations de la journée: il enlevait ses faux bijoux. Son grand-père n’était point capitaine de louveterie; bourrelier, il n’était renommé que pour tuer à chaque ouverture un chien de chasse. Son arrière grand’tante Céline n’avait jamais connu André ni même Marie-Joseph Chénier, elle n’était de sa vie sortie d’Aubusson, et, la seule peut-être de la bourgade, n’avait même rien à voir avec les célèbres tapis. Ainsi il se retrouvait, chaque soir, roturier, pauvre, inconnu. Et son talent, il en doutait fort. Et sa santé, il était cousu de furoncles. Son fameux éclair lui-même était peut-être une comédie.

Il risqua le tout pour le tout: il abaissa brusquement les paupières, il refit son contrôle, bravant les conditions déplorables. Bien lui en prit, ce fut un éblouissement. Des gerbes, des rivières, des fusées étincelèrent. Le disciple de Bossuet, sobre, incisif, un peu grandiloquent, aurait murmuré :

— Heureux Bernard, heureux celui qui pour veilleuse, dans notre nuit, dispose d’une t«ll« lumière!

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