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LE FAIBLE BERNARD lôl

sur sa vie. On parlait de lui, Bernard, dans deux catalogues. On estropiait d'ailleurs son nom. On mettait un t, à la fin.

Inconsciemment, alors qu'il avait dix ans, il avait déjà cherché à se libérer de cette con- trainte. Parfois il se persuadait qu'il était le fils d'un prince exilé. On l'avait soustrait aux fureurs de sujets égarés qui reviendraient un jour, c'est l'usage, le réclamer en triomphe. Ses parents actuels, généreusement, sans qu'il fût question d'un salaire, n'avaient point hésité à l'adopter. Ils l'aimaient. Il leur était reconnaissant de leur sollicitude, de leur courage, du tact avec lequel ils gardaient vis- à-vis d'un enfant maître leur dignité... Il regrettait seulement qu'ils ne fissent jamais allusion à leur secret. Un jour il traça sur une feuille de cahier une phrase perfide et la laissa traîner sur le bureau de son père.

— Les princes, les ducs régnants ont quel- quefois des fils qu'ils doivent cacher. Ils les font nourrir à la campagne. On les soigne avec dévouement, sans cependant les gâter.

Le père déplia le billet, le lut.

— C'est à toi.^ C'est ta dictée.^

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