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LE FAIBLE BERNARD 187

rible, qui avait surpris deux fois sa femme avec son ami Ermelin et ne s'était point senti capable de casser la tête, prétendnit-il, à un camarade de première communion. Et sur son banc municipal, le père Dorât, le men- teur, qui continuait à mentir, ses quatre- vingt-cinq ans passés. Chaque après-midi, il s'échappait pour errer à l'aventure dans la campagne et racontait au retour d'incroya- bles aventures. Quelque coquassier le ramenait 3n carriole. On venait justement de le débar- quer, et il appela Bernard pour le mettre au courant, fier de son équipée. Bernard volon- tiers s'arrêta. Rien ne pressait. Le soleil avait battu dès six heures son record de la veille, et terminait, doucement, sur sa lancée.

Le vieux Dorât était ce soir pour l'émo- tion. Il mentait avec sentiment.

— Où suis-je allé, Bernard? Je ne sais pas au juste, mais je crois bien que j'ai aperçu des bateaux.

— Des bateaux !

Il n'y avait ni canal ni fleuve à trente lieues à la ronde et jamais Dorât n'avait dépassé les bornes de la commune.

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