Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/196

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Bernard n’avait vu frissonner ainsi. Quand il passait son bras autour de sa taille, un tremblement mystérieux agitait des pieds à la tête sa compagne. Chaque muscle craquait, chaque artère pétillait, les dents claquaient. Il en éprouvait une vague inquiétude.

— Vous me pressez contre vous, Renée Dorât, vous m’embrassez en laissant les lèvres un peu ouvertes. Vous m’aimez donc ?

Elle ne répondait point.

— Regardez-moi.

Ignorante, elle ne regarda pas seulement ses yeux; elle crut qu’elle devait l’examiner en détail, elle considéra ses cheveux, sa cravate. Lui-même d’ailleurs était distrait. D’habitude, il regardait dans les prunelles de ses amies comme dans les porte-plumes qu’on rapporte de Lourdes ou des Sables-d’Olonne. Il les étudiait vraiment, il y cherchait des plages, des châteaux rouilles, de la mousse. Mais cette soumission l’inquiétait qui l’avait d’abord flatté. Il se soupçonnait maintenant d’en être la victime. Peut-être Renée était-elle réputée dans le bourg pour sa facilité, pour sa naïveté.