Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/97

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DON MANUEL LE PARESSEUX gô

Mademoiselle Blanchet est venue de France, \oilà six mois, avec sa mère qui ne pourra plus suppoiter de traversée et devra mourir dans ce pays qu'elle déteste. Et pourtant Ma- rie-Louise est déjà sans place, la directrice de son pensionnat a été tuée l'autre jour par une sous-maîtresse de l'Orégon. Elle n'a plus que quelques leçons. J'ai des scrupules à arriver une demi-heure en retard, car elle ne voudra point me faire payer les minutes perdues. Elle semble deviner mon remords, et redouble de gaielé cl de prévenance. Nous causons : j'ap- prends qu'elle traduit en français une nou- velle, qu'elle préfère l'automne à l'hiver, le jaune au rouge. Elle appuie en souriant sur ses pauvres sentiments discrets comme on appuie sur les imparfaits du subjonctif, pour e^icuser leur ridicule. Elle est une des mille jeunes filles qu'un destin mysté- rieux oblige, au milieu des médiocres, à être belles et résignées. Ne pouvant atteindre aucun de leurs désirs, elles semblent elles- mêmes plus sacrées, comme les statues qui n'ont plus de bras. J'éprouve, à leur aspect, le même remords ou le même regret qu'à

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