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IV


Le père Voie est mort hier, pendant son sommeil, si doucement qu’on n’osa pas le réveiller, mais on ne me permet pas d’aller à l’enterrement, et je boude.

Jamais je n’aurais cru qu’il fût, pour un malade, aussi facile de bouder quand, à chaque minute, les mains ennemies vous apportent des tisanes, replacent vos coussins et, inoffensives, chauffent des ouates, quand chaque geste et chaque bruit de tasse est une caresse. Je me trompais. De ma tête couchée, je domine mes parents et Urbaine ; je les suis d’un regard obstiné qui les embarrasse ; ils vont, s’assoient et feignent de s’intéresser au feu, à ses chenets, à ses pincettes, mais ils doivent bouder avec tout leur corps, et ils ont des brusqueries et des douceurs inexpliquées ; leurs yeux regardent trop