Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/61

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— Pourtant…, murmura-t-elle.

— Il n’y a pas de pourtant, reprit-il, pas plus qu’il n’y avait de mais. Il y a mes comptes de gestion et ils suffisent complètement. Ils me disent d’imposer la rente, et j’impose la rente ; les portes et fenêtres, et je les impose. Il vous passerait par la tête de murer toutes vos fenêtres et toutes vos portes, comme les Arabes, que je ne pourrais vous diminuer d’un sou.

La scène tournait à la confusion d’Estelle. Des contribuables qu’elle faisait attendre ne cachaient pas leur désapprobation.

— Ça n’est pas de sa faute, dit l’un, c’est de naissance.

Elle ne sentait pas son ridicule, mais perdait cependant de sa contenance. Elle me rappelait les brebis imbéciles qui s’agitent au milieu des buissons, et, sans sentir les ronces, laissent cependant un flocon de laine à chacune.

— Eh bien ! dit-elle, je vais payer.

Le percepteur sourit.

— Qu’est-ce que vous voulez payer, demanda-t-il, avez-vous votre feuille rose ?

— C’est ma patente, répondit-elle. M. Reuillant m’a dénoncée hier.