Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/18

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le bourg, pour monter, l’autre vers la campagne, pour descendre. Ils ne m’embrassèrent pas. L’un rencontra la diligence à vide, cent mètres plus haut, et l’autre, cent mètres plus bas, voulut en vain m’apercevoir parmi les vitres miroitantes. Ils ne m’ont jamais écrit non plus, ils ne m’ont rien légué à leur mort, et les trois garçons boulangers se partagèrent l’herbier, les papillons. Les professeurs sont égoïstes, je n’étais pas tout pour eux.

— En route, dit mon père. Ton trajet est simple. Laisse-toi aller.

Je me laissai aller, la voiture me débarqua juste avant la nuit dans une petite ville d’où une carriole me conduisit à un bourg, et un cabriolet à une gare perdue. Je ne m’effrayais d’aller vers des régions de plus en plus désertes dans des voitures de plus en plus petites et hautes. Il pleuvait. Je ne m’en tourmentais que pour ma malle sous l’averse et je ne m’habituais point à l’idée que les voyageurs dussent se séparer de leurs bagages. Le petit train me déposa dans une sous-préfecture : si je n’avais été qu’au collège et non au lycée, si j’avais été de moitié moins ambitieux, mon voyage était terminé… Il fallut changer une fois