Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/25

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si vulgaire ; elle avait laissé rider sur elle nos enthousiasmes, notre science ; il nous fallait la chasser devant nous, à chaque fin d’année, comme un serpent chasse sa peau ; — la classe inférieure si enfantine, si brouillonne, si dégingandée dans nos défroques. Deux autres générations en somme. La nôtre était plus robuste aussi, plus habile à la course, à la lutte, et j’en étais le plus rapide, le plus fort. Notre file éclipsait les plus anciennes files quand nous partions pour la promenade, les deux mêmes élèves toujours en tête, comme s’il eût fallu des guides attitrés pour suivre l’unique avenue, et c’était aussi mes deux meilleurs amis, comme s’ils conduisaient pour moi : Gontran, inégal, paresseux l’été, qui, par un devoir raturé, inachevé, parvenait à un quart de point, dans les compositions finales, de ma copie parfaite, — avec Georges, qui ne savait que dépeindre les forêts, et dans toute narration parvenait à glisser la descriptîon d’un taillis, ou d’un étang entouré de futaies, à la rigueur d’une oasis. Nous étions aussi plus unis que toute autre classe ; il est ainsi des générations où ne vit aucun hypocrite, aucun espion. Chacun de nous avait un ami qui sortait avec lui de l’étude si le répétiteur le mettait à la