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Le--Pessimisme


de-- Maupassant
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Sur la tombe de Guy de Maupassant, Zola vantait la « santé triomphante » de son œuvre et disait qu’on l’aimerait, dans la suite des temps, pour « l’éternel chant d’amour qu’il a chanté à la vie ». Or, on le sait aujourd’hui, cette « santé » se compliqua toujours de maladie. Ce « chant d’amour » s’accompagna d’une lamentation, faite de haine contre le Créateur et de mépris pour la créature.

Maupassant est un pessimiste.

Comme Leopardi, — s’il avait été plus poète — il n’aurait chanté que l’« infelicità » ; comme Vigny, — s’il avait été plus philosophe — il aurait symbolisé son mépris de Dieu et de l’homme ; comme Schopenhauer, ou comme Nietzsche, — s’il avait été un pur spéculatif — il aurait systématisé son dogme du fatalisme, avec, comme corollaire, la doctrine du désenchantement et du désespoir.

Mais il était né pour peindre la vie.

Cette vie qui devait être la substance même de son travail d’artiste, il l’aima d’abord sous toutes ses formes. Puis, il s’en détacha, il s’en dégoûta, sous l’influence du germe morbide qu’il portait en lui. En sorte que son œuvre, si « triomphante » à l’origine, laissa paraître une philosophie de plus en plus désolée, — image trop fidèle de sa destinée inquiète et de sa fin prématurée et tragique.