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32 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

sont si nombreux et qui vont si vite, cette course sans gloire et sans trêve est bien fatigante, plus que n'ima- gine le lecteur bénévole et qui lit pour son plaisir; elle manque parfois d'agrément et il m'arrive d'être tenté de la maudire, mais elle m'apporte, de loin en loin, — de très loin en très loin ! — une joie qui rachète tous les petits ennuis et toutes les grandes fatigues, celle de découvrir une œuvre qui me parait belle, sous un nom inconnu, tout neuf, et d'être le premier à parler de cette œuvre et à prononcer ce nom.

Cette joie, je l'ai éprouvée en lisant Goëry Coquart, Bourgeois d'Épinal. L'auteur, M. René Perrout, m'est tout à fait inconnu; je crois bien, malgré les titr< mentionnés d'ouvrages antérieurs, qu'il est également ignoré du public. Le volume qu'il vient de publier doit le mettre en pleine lumière : c'est une œuvre délicieuse d'une pensée subtile, délicate et saine, et d'une rare perfection littéraire. Le sujet du livre, c'est l'histoire d'Épinal aux derniers temps de son indépendance, vers le milieu du xvii^ siècle, lorsque la France s'em- para d'Épinal. L'auteur est animé d'un grand patrio- tisme spinalien : il ne croit pas manquer, en ce ving- tième siècle, à son devoir de français, en nous disant les tristesses et les inquiétudes d'un bourgeois spinalien en 1625; il pense comme Renan « que tous les siècles d'une nation sont les feuillets d'un même livre, que les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé. »

Ce respect du passé apparaît tout plein de douceur et d'attendrissement dans l'évocation de Goëry Co- quart, l'enraciné d'Épinal, fils de maître Guillaume Co- quart, pâtissier -rôtisseur et bourgeois, et de son maître le chanoine Le Pelletier. Les entretiens du maître et de l'élève, pendant ces longues heures où ils devisaient à la manière des philosophes de l'Académie, sont des choses exquises et nous prenons un plaisir infini à l'évocation de « cette vie intérieure, douce et magni-