Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Vaut l’ambre qui tressaille aux deux coins de mes lèvres ! »
Enfantines amours, rougeurs, premières fièvres,
Qui me fit vous connaître, et qui me fit chercher
L’ombre et les petits coins du bois pour m’y cacher ?
     Lucile allait souvent visiter sa nourrice
Et s’y rendait par un sentier plein de caprice,
Ombreux, baigné parfois de lumière. J’allais
Avec elle, prenant son bras quand je voulais.
Je mettais en jouant mon doigt dans les fossettes
De sa joue, et cueillais pour elle des noisettes ;
Nous causions bruyamment en chemin. Sans savoir
Pourquoi, je regardais Laurette à son miroir.
C’est qu’elle était charmante ; et j’allais derrière elle
Doucement, l’appelant coquette. Une querelle
Entre nous s’engageait alors. Elle disait
Que j’étais un taquin et qu’un homme ne sait
Qu’être méchant toujours ; elle faisait la dame.
Suzanne, près de toi je tremblais, ô jeune âme !
On m’avait défendu de te suivre au jardin ;
Pourtant nous y courions tous deux chaque matin.
     Laquelle de vous trois la première ai-je aimée,
Blanches filles, essaim joyeux, divin camée
Où, purs et souriants, se groupent trois profils
D’enfants aux longs regards humides sous les cils ?
Laquelle de vous trois, ô Suzanne ! ô Laurette !
Lucile ! m’enivra de cette amour secrète
Qui ne reviendra plus faire battre mon cœur ?
Laquelle m’a versé cette chère liqueur
Que je n’oserais plus approcher de ma bouche,